Tuesday, 14 February 2012

L'Amour - Marguerite Duras

Une homme.
Il est debout, il regarde: la plage, la mer.
La mer est basse, calme, la saison est indéfinie, le temps, lent.
L'homme se trouve sur un chemin de planches posé sur le sable.
Il est habillé de vêtements sombres. Son visage est distinct.
Ses yeux sont clairs.
Il ne bouge pas. Il regarde.
La mer, la plage, il y a des flaques, des surfaces d'eau calme isolées.
Entre l'homme qui regarde et la mer, tout au bord de la mer, loin, quelqu'un marche. Un autre homme. Il est habillé de vêtements sombres. A cette distance son visage est indistinct. Il marche, il va, il vient, il va, il revient, son parcours est assez long, toujours égal.
Quelque part sur la plage, à droite de celui qui regarde, un mouvement lumineux: une flaque se vide, une source, un fleuve, des fleuves, sans réplit, alimentent le gouffre de sel.
A gauche, une femme aux yeux fermés. Assise.
L'homme qui marche ne regarde pas, rien, rien d'autre que le sable devant lui. Sa marche est incessante, régulière, lointaine.
Le triangle se ferme avec la femme aux yeux fermés. Elle est assise contre un mur qui délimite la plage vers sa fin, la ville.
L'homme qui regarde se trouve entre cette femme et l'homme qui marche au bord de la mer.
De fait de l'homme qui marche, constamment, avec une lenteur égale, le triangle se déforme, se reforme, sans se briser jamais.
Cet homme a le pas régulier d'un prisonnier.
Le jour baisse.
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A man.
He stands, he watches: the beach, the sea.
The sea is low, calm, the season is indefinite, time, slow.
The man is on a raised boardwalk over the sand.
He is dressed in dark clothes. His face is distinct.
His eyes are clear.
He does not move. He watches.
The sea, the beach, there are pools, areas of calm isolated water.
Between the man who watches and the sea, at the water's edge, far away, someone walks. Another man. He is dressed in dark clothes. At this distance, his face is indistinct. He walks, he goes, he comes, he goes, he returns, his journey is quite long, always equal.

Somewhere on the beach, to the right of the watching man, a luminous movement: a pool empties, the source of a river, rivers, without bends, feeding the abyss of salt.
To the left, a woman with closed eyes. Seated. 

The man who walks sees nothing, nothing, nothing but the sand before him. His steps are constant, regular, far away. 
The triangle closes with the woman with her eyes shut. She is seated against a wall which borders the end of the beach, the town.
The man who watches is between this woman and the man walking beside the sea.
Because of the man who walks, constantly, with steady slowness, the triangle distorts, re-forms, without ever breaking.
This man has the regular steps of a prisoner.
The daylight fades.


FM

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